PrEsence du MEDD en Europe
UNIVERSITE D'ETE DU 29-30 JUILLET 2005
POUR LES MOUVEMENTS VERTS, PACIFISTES ET ALTERNATIFS EN EUROPE

 

Organisée à La Roche en Wallonie (Belgique) les 29-30 juillet 2005, sous la direction de Luc MICHEL et Fabrice BEAUR :

LA DEMOCRATIE DIRECTE : L’ALTERNATIVE DU XXIe SIECLE 

Comment définir la « Démocratie Directe » à l’aube du XXIe siècle ? Le Colloque sur « LA DEMOCRATIE DIRECTE : L’ALTERNATIVE DU 21e SIECLE », organisé par le MEDD, sous la direction de Luc MICHEL, les 29 et 30 juillet 2006 (La Roche – Wallonie), avec des participants venus de 18 pays européens, africains et arabes, entendait répondre à cette question et exposer les « théories et praxis de la Démocratie Directe face à la crise du parlementarisme occidental ».

A savoir :
- les sources européennes de la Démocratie Directe (La Suisse – Robespierre/1793 – La commune de Paris/1870 – Les Soviets – Le Référendum – le « Communautarisme européen » et Jean Thiriart) ;
- l’expérience-pilote libyenne (le Livre Vert de Moammar Kadhafi – Le système Jamahiriyen) ;
- la Démocratie Directe en Afrique (l’expérience de Thomas Sankara) ;
- les expériences de Justice Populaire en URSS, en Albanie socialiste et en Libye (« Justice, Ordre social et Démocratie Directe ») ;
- les expériences d’autonomie municipale (Libye, Albanie socialiste, Cuba, Irak ba’athiste).

Pour la première fois dans l’histoire des études sur le sujet, ce Colloque abordait – toutes les théories et praxis de la Démocratie Directe en Europe et leurs apports ou rapports avec les expérience-pilotes d’Afrique et d’Amérique latine.

Les participants ont notamment longuement abordés les thèmes connexes à la Démocratie Directe, comme :
- l’armement du peuple (« l’alternative fondamentale est entre des citoyens armés et des électeurs désarmés » disait Jean THIRIART, le théoricien du pouvoir populaire européen),
- la propriété sociale des moyens de production,
- l’autogestion syndicale et la place centrale des syndicats dans la Démocratie Directe,
- et la Justice populaire.

Comme Luc MICHEL le soulignait dans sa communication d’introduction, « la Démocratie Directe est la forme véritable et originelle du pouvoir populaire des peuples d’Europe », la démocratie directe est le mode de gouvernement naturel des peuples européens.

La démocratie directe repose sur une notion fondamentale, c’est le mode de la nation responsable et engagée qui est prêt à risquer sa vie pour la communauté. Le peuple souverain est un peuple en arme. Pour les théoriciens de la démocratie directe l’armement du peuple est une notion fondamentale.

Retraçons l’histoire de la Démocratie directe jusqu’à l’époque moderne :

Dans l’antiquité et jusqu’au début du Moyen Age européen, la démocratie directe est le mode naturel de gouvernement des populations européennes, que ce soit en Grèce, à Rome, dans les tribus celtiques, dans les tribus germaniques. C’est l’assemblée des hommes armés qui décide et qui choisit le chef. Ce mode de gouvernement va exister en Europe jusqu’à l’époque de Charlemagne c’est à dire jusqu’au VIIIème siècle.

Un phénomène constant de la démocratie directe c’est qu’elle finit par être confisquée. A un moment donné, une oligarchie accapare le pouvoir et généralement la démocratie directe se transforme en un système monarchique ou féodal. En Europe par exemple à partir du VIIIème siècle, la féodalité c’est la dégénérescence de la démocratie directe. Pourquoi ? Parce que ce sont toujours les hommes en arme qui décident du gouvernement, par exemple le roi de France ou l’empereur germanique c’est le premier des nobles du Royaume, mais le problème c’est que la fonction de défense de la patrie est accaparée par des soldats professionnels. Qu’est ce que la Noblesse en Europe ? C’est ceux qui ont le monopole de la défense. Toutes les autres catégories de la population, ceux qui ne se battent plus, ceux qui ne sont plus armés, cela devient des citoyens soumis, exploités, qui n’ont plus de droit politique. C’est le phénomène des oligarchies et c’est déjà on peut dire un bonapartisme précoce puisque c’est l’accaparement par les militaires du gouvernement.

La démocratie directe va survivre dans un seul état, après l’an 1000 c’est la Suisse justement. La Suisse échappe à la féodalité, c’est un ensemble de Cantons on pourrait dire maintenant un ensemble des municipalités (évidemment les femmes en sont exclues, mais dans la plupart des sociétés de l’antiquité la femme n’est pas considérée ni comme un citoyen à part entière ni même comme un membre actif de la communauté, la femme est souvent considérée comme un objet, une marchandise ou une mineur). En Suisse, pour avoir le droit de voter, de prendre des décisions, on revient à la notion de peuple armé, il faut se présenter à l’assemblée des citoyens avec une arme, il faut prouver qu’on est prêt à défendre la patrie.

Le système suisse il ne faut pas croire qu’il va durer jusqu’à l’époque actuelle. C’est une dégénérescence et il va se transformer en un système semi-féodal rapidement. Mais les Suisses, au terme d’une évolution, vont rapidement dès que la féodalité va être abattue en 1789, se souvenir de leur expérience et remettre en route un système partiel de démocratie directe qui est un modèle en Europe.

Pour certains théoriciens européens de la démocratie directe moderne comme Jean Thiriart, « la Suisse est en Europe le seul état qui peut dire qu’il a une légitimité démocratique, la Suisse est le seul pays en Europe – avec à l’époque moderne la Yougoslavie de Tito et l’Albanie socialiste – où le peuple est armé », c’est le seul état au monde, parce que même la Libye n’a pas adopté ce système, où les citoyens ont leur armement de guerre chez eux y compris l’armement lourd, les Suisses ont chez eux leurs fusils d’assaut, des munitions et pour certains des mitrailleuses lourdes.

On va revoir l’idée de démocratie directe ressurgir avec la destruction de la féodalité. En 1793, la révolution française arrive à son paroxysme. Une fraction qui est à l’époque la plus progressiste, les jacobins, arrivent au pouvoir avec Robespierre. Robespierre, notamment dans la première Commune de Paris en 1792-1793, instaure et parle de démocratie directe. Robespierre contrairement à tout le reste de processus de la révolution française en 1789 refuse le principe de la délégation parlementaire. L’expérience est très vite avortée puisque Robespierre a subi un coup d’état et a été exécuté.

A l’époque, il existe une fraction encore plus radicale : les babouvistes. Ce sont les partisans de Gracchus Babeuf, que Marx ou Lénine considéraient comme les premiers communistes. Eux veulent la démocratie directe intégrale suivant un mode qui rappelle assez celui de la Jamahiriya libyenne. On sait que pour Moammar Kadhafi, 1793 est la grande référence. Lorsque le président français Jacques Chirac s’est rendu en Libye l’année précédente, Tripoli était couvert d’affiches faisant le parallèle entre la révolution française et la révolution libyenne et Kadhafi a dit « notre révolution est l’étape suivante, l’aboutissement de la vôtre ».

L’idée de démocratie directe va survivre grâce à l’enseignement justement des babouvistes. En 1870, c’est la guerre entre la Prusse et la France, et le régime bourgeois qui est celui de Napoléon III, s’effondre. On voit à Paris une insurrection populaire qui crée un gouvernement autonome, la Commune de Paris (la seconde), qui va  durer un peu plus d’une année avant d’être écrasé par les armées de la bourgeoisie et ce gouvernement est gouverné par un mode de démocratie populaire ; c’est important parce que c’est la première fois à l’époque moderne que la démocratie directe va être effectivement appliquée.

L’expérience de la Commune de Paris est très importante parce qu’on l’ignore trop souvent c’est à partir d’elle que va être conçu le concept de « soviet » en Russie, vous savez que pour les révolutionnaires russes, qui se disent marxistes, la véritable référence est le Jacobinisme et la Révolution française. Et la forme de démocratie directe qui est pratiquée dans la commune de Paris va être appliquée aux soviets.

Quand les soviets apparaissent-ils ? Pendant la première révolution russe de 1905. Le peuple se soulève contre le tsarisme et met en place un système de démocratie directe qui est défendue par des milices ouvrières. Le problème c’est que les révolutionnaires sont divisés et que l’armée contrairement à ce qui se passer en1917 ne bascule pas de leur côté. Le pouvoir tsariste va donc écraser les soviets. Arrive 1917. Et en 1917 lorsque le pouvoir tsariste s’effondre c’est une république libérale et bourgeoise qui instaure un système de multipartisme : la douma ; mais parallèlement à cette révolution bourgeoise il y a une auto organisation du peuple, et on voit les soviets réapparaître. Un parti, qui est le Parti bolchevique, décide de s’appuyer sur les soviets pour passer à une révolution qui n’est plus bourgeoise mais populaire, c’est ce parti qui l’emporte mais qui l’emporte dans les conditions d’une guerre civile et d’une intervention étrangère. A l’époque il y a des armées françaises, américaines, japonaises, britanniques qui sont présentes sur le sol russe pour écraser la révolution, il y a des armées contre révolutionnaires ; à un moment donné par exemple le pouvoir bolchevique ne contrôle que Petrograd et une petite zone d’environ un millier de kilomètres autour de Moscou.

Lorsque l’on étudie l’expérience soviétique, nous avons en occident une vision faussée. Pourquoi ? La critique, l’étude historique que l’on fait dans le monde bourgeois de la révolution bolchevique elle est basée en fait sur une analyse, c’est celle de Léon Trotski. Dans les années 1922-1928 le conflit existe entre Trotski et Staline. Trotski perd, il est exilé et pour expliquer sa défaite produit un livre de propagande contre le régime soviétique qui s’intitule « la révolution confisquée ». La grande idée que l’on trouve dans les média bourgeois c’est de dire après 1922, on « liquide le régime soviétique ». Ce n’est pas exact. Ce que liquide le stalinisme, c’est le multipartisme. Mais dans le reste de l’organisation, c’est à dire le gouvernement des municipalités, l’application de la justice, il reste les formes de démocratie directe, celle des soviets. C’est par exemple sous Staline que va se mettre en place le système de justice soviétique qui va servir de modèle au libyen, le système de justice soviétique c’est un système de démocratie directe, il n’y a pas (ou peu) de magistrats professionnels par exemple, ce sont des magistrats élus dans le peuple.

Les années passent et à l’époque moderne il faut attendre les années 60 pour voir ressurgir l’idée de démocratie directe. Entre 1960 et 1966, Jean Thiriart, le fondateur et le premier théoricien du Communautarisme européen réfléchit à une critique de la démocratie parlementaire et aux solutions, aux alternatives à lui appliquer.

En 1969, c’est la révolution libyenne et entre 1969 et 1976 se met en place la Jamahiriya, à l’époque moderne la seule expérience de démocratie directe qui est complète et qui a survécu.

A la même époque il y a deux expériences de démocratie directe partielle. La première c’est celle de l’Irak ba’athiste de Saddam Hussein. Le Ba’ath c’est un parti nationaliste révolutionnaire arabe. C’est le grand rival de Nasser, et ce sera à un moment donné l’un des rivaux de Moammar Kadhafi pour le leadership pan arabe. Au départ le Ba’ath entend remplacer le multipartisme par un système politique de front national, c’est un système politique qui copie le système qui est instauré en République Démocratique Allemande, en Allemagne de l’Est, depuis de 1948. Qu’est-ce que ce système ? On accepte l’existence d’une série de partis dit progressistes autours d’un parti dirigeant, en Allemagne c’est le SED, le parti communiste, en Irak c’est le Ba’ath bien entendu. Et ces partis se regroupent sur une liste dite de front national pour former le gouvernement. C’est le système qui va fonctionner en Allemagne de l’Est, en Hongrie ou en Bulgarie, jusqu’à la chute du bloc soviétique. C’est encore aujourd’hui le système qui gouverne un autre système ba’athiste, qui est le Ba’ath syrien. En Irak, les choses ne vont pas bien se passer et dès 1972, le régime va regarder comment remplacer les partis progressistes directement par le peuple dans ce Front national. Et ce qui va se mettre en place en Irak, a le même nom qu’en Libye, des congrès populaires, qui par exemple administrent les municipalités.

Il y a une autre expérience à la même époque c’est celle de l’Albanie socialiste d’Enver Hoxha. Un colloque qui s’appelle « le pouvoir du peuple » a longuement abordé en mars 1981 à Paris les comparaisons entre l’Albanie et la Libye. En Albanie, il y a un parti communiste dirigeant, c’est la différence avec la Libye, mais pour le reste le système fonctionne suivant ce qu’ils appellent le contrôle ouvrier qui est une forme de démocratie directe, c’est à dire que tout le pays est organisé avec des comités qui s’appellent les comités révolutionnaires, avec des ouvriers élus, qui dirigent les usines, qui dirigent les municipalités et qui ont un droit de critiques sur le parti. Une notion que les Albanais introduisent, qui est intéressante, c’est la rotation des dirigeants. Périodiquement, personne en Albanie ne reste plus de 5 ans à un poste, lorsque quelqu’un a eu un poste de dirigeant important, directeur d’usine, ambassadeur, ministre, après 5 ans il doit obligatoirement aller retravailler à la base.

Les partisans radicaux de la Démocratie Directe sont regroupés dans le MEDD – le Mouvement Européen pour la Démocratie Directe, qui entend particulièrement « militer pour la Démocratie directe en tant qu’alternative à la faillite et à la corruption de la pseudo démocratie parlementaire », « renouer avec les racines européennes de la démocratie directe (expérience suisse, théorie de l’incorruptible Robespierre en 1793, etc.) » et « assurer leur synergie avec l’expérience pilote moderne de démocratie directe développée par la Révolution libyenne ».

 

Accueil