LE LIVRE VERT DE MOAMMAR KADHAFI
La
SOLUTION
du probleme economique
Les
fondements economiques
de la troisième théorie
universelle
Dans le règlement des conflits (opposant)
travail/salaire, c'est-à-dire les relations entre patrons et travailleurs et
entre propriétaires et producteurs, d'importants progrès ont été accomplis.
La réduction des heures de travail, la rémunération
des heures supplémentaires, les divers congés, la reconnaissance d'un salaire
minimum garanti, la participation des travailleurs à la gestion et aux bénéfices
de l'entreprise, l'interdiction des licenciements arbitraires, la Sécurité
Sociale, le droit de grève, la réglementation du travail, figurent en général
dans la plupart des législations contemporaines. Des changements non moins appréciables
ont été obtenus dans la mutation du droit de la propriété avec l'apparition
de certains systèmes qui ont, soit limité les revenus, soit transformé la
propriété privée en propriété d'Etat.
Et malgré tous ces progrès, certes non négligeables,
et les remèdes apportés à l'amélioration du sort des travailleurs, le problème
reste posé fondamentalement à l'échelle mondiale, même s'il est devenu moins
aigu que par le passé.
Bien que la notion de propriété ait subi de
profondes modifications en évoluant de l'extrême droite à l'extrême gauche,
et en prenant diverses formes intermédiaires, les producteurs demeurent des
salariés. Pour modifier la nature du salaire, les expériences
n'ont pas été moins nombreuses, mais les résultats se réduisent aux
avantages obtenus par les travailleurs, défendus par les syndicats et garantis
par les législations.
La situation dégradante des travailleurs au
lendemain de la révolution industrielle a évolué et bien qu'avec le temps,
ouvriers, techniciens et employés ont conquis des droits, qui dans le passé
semblaient utopistes et inaccessibles, aucune réponse satisfaisante n'a été
proposée pour résoudre le principe du salariat. Certes, de nombreuses réformes ont été apportées,
mais elles sont plus proches de la charité que d'une véritable reconnaissance
des droits des travailleurs.
Pourquoi les travailleurs perçoivent-ils un salaire
?
Les travailleurs perçoivent un salaire parce qu'ils
ont effectué une opération de production pour le compte d'un tiers qui les
paye dans ce but. Il n'ont pas l'usufruit de leur production, et ont été
contraints d'y renoncer moyennant salaire. Or, la règle équitable est : « Celui
qui produit dispose de sa production ».
Quelles que soient les améliorations apportées au
salaire, le salarié reste une sorte d'esclave d'un maître qui le paie, ou plutôt
il est un esclave temporaire et cet esclavage est basé sur le fait qu'il
fournit un travail en contrepartie du salaire que lui verse un patron, un
individu, voire un gouvernement.
Car l'entreprise publique comme l'entreprise privée,
n'accorde à ses employés que des salaires assortis de diverses aides sociales
comparables à l'aumône accordée par les riches.
A la différence de l'entreprise privée dont le
revenu revient au propriétaire, le revenu de la propriété publique devrait
revenir à l'ensemble de la collectivité, travailleurs compris.
Cela serait juste si on ne retenait que l'intérêt
de la société, en faisant abstraction de celui des travailleurs, et à la
condition que dans cette société, la propriété soit monopole d'Etat et que
le pouvoir y soit exercé, non par une classe, un parti, ou un ensemble de
partis, une secte, une tribu, une famille, un individu ou par une forme
quelconque de représentation, mais par le peuple tout entier par le biais des
congrès populaires, des comités populaires et des syndicats.
La propriété pourrait bien changer de mains, le résultat
serait le même: le travailleur demeure un salarié tant qu'il n'a pas été rétabli
dans son droit sur sa propre production, et que celle-ci continue à être détournée
au profit de la "collectivité" ou de l'employeur.
La solution finale à ce problème consiste à abolir
le salariat, par la libération de l'homme de l'asservissement dans lequel
celui-ci le maintient.
Il faut retourner à la loi naturelle qui a organisé
les rapports humains bien avant l'apparition des classes, des gouvernements et
des législations positivistes. La loi naturelle est en effet le critère, la référence
et la source unique des rapports humains. Elle a donné naissance à un
socialisme naturel fondé sur l'égalité des facteurs de production et a assuré
la répartition à peu près équitable des produits de la nature entre les
individus.
L'exploitation de l'homme par l'homme et la
constitution par un individu d'une fortune dépassant ses besoins, constituent
une entorse à la loi naturelle et l'amorce d'une perversion et d'une déviation
dans la vie de la société, ainsi que le signe avant-coureur d'une société
d'exploitation.
En analysant les facteurs de production, on se rend
compte qu'ils ont toujours été composés de facteurs essentiels: les matières
de production, les moyens de production et les producteurs. L'équité dictée par la loi naturelle veut que
chaque composant qui participe à la production en ait sa part, car si on élimine
l'un d'entre eux, il n'y a pas de production.
Le fait que chaque élément joue un rôle essentiel
et indispensable, lui confère une égalité naturelle. Celle-ci doit se
traduire au niveau de la répartition de la production. Ce principe d'égalité
doit s'appliquer à tous les facteurs de la production: s'ils sont deux, la part
de chacun correspondra à la moitié du total, s'ils sont trois, au tiers. Il ne
peut y avoir prééminence d'un élément sur l'autre car cela aboutirait à
transgresser la loi naturelle et à porter atteinte au droit d'autrui.
De l'application de cette loi naturelle à la réalité
historique ou contemporaine, on peut dégager l'enseignement suivant :
A l'origine, la production artisanale était composée
de deux éléments: la matière de production et le producteur (Par producteurs,
on désigne des travailleurs. Ce terme comme ceux de prolétaires ou d'ouvriers
ne correspond plus à la réalité, car parallèlement à l'évolution des
sciences et techniques, on assiste à un changement quantitatif et qualitatif de
la classe ouvrière qui tend à diminuer ).
Un troisième élément est apparu: le moyen de
production, utilisant d'abord l'énergie animale puis la machine.
Parallèlement, on assiste à une transformation des
matières premières: de simples et bon marché à celles plus élaborées et
donc plus chères. L'homme lui-même voit sa condition changée: de simple
manoeuvre à celle d'ingénieur ou de technicien, la masse des ouvriers cédant
progressivement la place à des groupes limités de techniciens.
Ces mutations entraînent des modifications
qualitatives et quantitatives et n'ont pas pour autant modifié, quant au fond,
les facteurs de production en tant qu'éléments indispensables au processus
productif.
Ainsi, par exemple, le minerai de fer, un des
facteurs de production de tous temps, était jadis utilisé artisanalement avec
des moyens primitifs, pour fabriquer un couteau, une hache ou une lance. Il est
aujourd'hui traité dans les hauts fourneaux pour être, sous le contrôle d'ingénieurs
et de techniciens, usiné et transformé en machines et véhicules de tous
genres. De même, le cheval, le mulet ou le chameau font place à des machines
puissantes et complexes.
L'outil, quant à lui, a suivi la même évolution,
de l'objet rudimentaire de l'âge de pierre aux équipements modernes les plus
sophistiqués. Ces transformations n’ont rien d’incompatible
avec le caractère essentiellement constant des facteurs de production
fondamentaux.
C'est d'ailleurs cette constante qui rend inévitable
le retour à la loi naturelle pour résoudre définitivement le problème économique.
Ceci est d'autant plus vrai, que dans le passé, toutes les tentatives ayant
ignoré cet aspect se sont soldées par des échecs complets. Toutes les théories
qui ont été élaborées n'ont abordé le problème économique que sous
l'angle de la propriété de l'un des facteurs de production ou de celui des
salaires.
Le seul vrai problème de la production n'a jamais été
résolu. A tel point que la caractéristique commune à tous les systèmes économiques
instaurés dans le monde est la négation du droit du travailleur à sa
production, que celle-ci soit pour le compte de la société ou pour celui de
l'entreprise privée.
Comme cela a été dit précédemment, l'entreprise
industrielle fonctionne grâce à trois facteurs: matières premières, moyens
de production et travailleurs.
La production est le résultat obtenu par les
travailleurs qui utilisent le matériel pour transformer les matières premières.
Ainsi les produits finis prêts à la consommation ou à l'utilisation, ont
parcouru un processus qui n'aurait pu avoir lieu sans les matières premières,
les usines et les travailleurs. Si un des éléments manque, il y a blocage.
Sans matières premières l'usine ne pourrait fabriquer, sans usines les matières
premières resteraient à l'état brut, sans travailleurs l'usine ne pourrait
fonctionner.
L'égale importance des trois facteurs implique nécessairement
une répartition égale du produit obtenu. C'est en fonction de cette règle
naturelle que le produit sera partagé en trois parts égales, réparties entre
les trois facteurs de production. Ce système a l'avantage de prendre en considération
non seulement l'entreprise, mais également les producteurs et les
consommateurs.
Dans l'agriculture, le principe est le même. Mais
s'il n'y a que deux éléments: l'homme et la terre, la répartition du fruit du
travail devra se faire entre les deux seuls facteurs participant effectivement
au processus de production. En cas d'utilisation de moyens mécaniques, le
produit sera réparti comme dans l'industrie, entre la terre, l'agriculteur et
la machine.
Ainsi sera mis en place un système socialiste régissant
la production en appliquant cette loi naturelle.
Si la machine remplace aujourd'hui l'homme, les
travailleurs, certes de moins en moins nombreux, restent néanmoins
indispensables pour faire fonctionner le matériel et l'entretenir. Ce
changement quantitatif a été accompagné par un changement qualitatif résultant
des progrès techniques, remplaçant peu à peu l'énergie humaine par la
machine. Une telle évolution n'a pas été sans modifier profondément la vie
économique et sociale du monde du travail. Lentement les masses prolétaires et
ignorantes ont diminué. Parallèlement de plus en plus de travailleurs accèdent
au savoir et à la technique pour devenir techniciens, ingénieurs ou savants.
Une des conséquences inéluctables de ce changement
sera l'élimination progressive des syndicats ouvriers traditionnels qui céderons
la place à des syndicats de techniciens ou d'ingénieurs. Les progrès scientifiques sont un acquis de
l'humanité et le processus est irréversible.
Un autre effet indirect sera certainement la fin de l'analphabétisme. On assistera à la disparition progressive de la main-d'oeuvre non qualifiée, mais l'homme avec ses qualités naturelles restera un élément fondamental du processus productif.
L'assemblée parlementaire est un représentation trompeuse du peuple, et les régimes parlementaires constituent une solution tronquée au problème de la démocratie; l'assemblée parlementaire se présente fondamentalement comme représentante du peuple, mais ce fondement est, en soi, non
Tant qu'il dépendra d'autrui pour assurer ses
besoins, l'homme n'aura pas acquis sa complète liberté et restera exploité et
asservi. Ce problème réel, source permanente de luttes et de conflits,
subsistera tant qu'une partie de la population voudra contrôler l'autre.
LE LOGEMENT est un nécessité pour l'homme et sa famille. Il ne
doit appartenir à personne d'autre qu'à lui. Un homme n'est pas libre quand il
habite une maison louée.
En matière de logement, la politique suivie par les Etats a consisté à réglementer la location en bloquant ou en augmentant les loyers. La seule solution radicale et définitive est l'accession à la propriété. Dans la société socialiste, nul ne peut être maître des besoins de l'homme. Personne ne peut dans cette société, bâtir un logement autre que pour lui-même et ses héritiers.
La maison de l'individu étant un de ses besoins
fondamentaux, nul ne peut construire dans le but de louer.
LE REVENU constitue un autre besoin essentiel. Il ne peut donc,
dans la société socialiste, être un salaire, pas plus qu'il ne peut être une
aumône.
Il n'y a pas de salariés dans la société
socialiste, il y a des associés. le revenu appartient à l'individu et il
l'emploie comme il l'entend pour satisfaire ses besoins. C'est la part qui lui
revient d'une production dont il est l'un des éléments indispensables. Ce
n'est pas un salaire versé en contrepartie d'une production faite au profit
d'un tiers.
Le moyen de transport est également un besoin essentiel de l'individu et sa famille. Il ne doit pas appartenir à une autre personne. Dans la société socialiste, nul ne peut posséder des véhicules de location, car cela aboutirait à se rendre maître des besoins des autres.
La terre n'est la propriété de personne. Chacun a
le droit de l'exploiter par son travail d'agriculteur ou d'éleveur dans les
limites de ses possibilités et de ses besoins durant toute sa vie, ainsi que
celle de ses héritiers. Il ne peut cependant utiliser lui-même une autre
personne salariée ou non pour travailler cette terre.
La terre est immuable, tandis que ceux qui
l'exploitent passent avec le temps. Ils peuvent changer de métier et de capacité.
C'est pourquoi la terre sur laquelle se succèdent les générations ne peut
faire l'objet d'une appropriation.
Le but de la nouvelle société socialiste est d'édifier
une collectivité heureuse parce que libre. Ceci ne peut se réaliser que par la
satisfaction des besoins matériels et moraux de l'homme, en libérant ces
besoins de la domination d'autrui.
La satisfaction des besoins devra se faire sans
l'exploitation ni l'asservissement d'autrui sinon, cela serait en contradiction
avec la finalité de la nouvelle société socialiste.
Dans cette nouvelle collectivité, l'homme aura le
choix de travailler, soit à son compte pour assurer la satisfaction de ses
besoins matériels, soit participer à une entreprise socialiste où il
partagera le produit réalisé, ou encore effectuer un service public pour la
collectivité qui lui garantira, en retour, ses moyens d'existence.
L'activité économique dans la société socialiste
nouvelle sera productive, visant la satisfaction des besoins de l'homme. Elle ne
sera ni improductive, ni orientée vers le profit en vue d'une thésaurisation
stérile excédant la satisfaction des besoins. Une telle orientation n'aura
plus cours dans une société régie par les nouvelles règles socialistes.
Le but légitime de l'activité économique des
individus devient la seule satisfaction des besoins de l'homme. Le corollaire est donc que chaque individu ne peut prélever
plus qu'il ne lui faut sur les biens de la société, car la richesse dans le
monde et dans chaque société étant limitée, à un moment ou un autre, il en
prendrait inévitablement une partie à ses semblables. Par contre, chacun a le
droit à l'épargne sur sa propre production, mais sans avoir recours à
l'effort d'autrui par l'exploitation des besoins des autres membres de la société.
Cette règle fondamentale doit être rigoureusement
respectée si l'on veut éviter qu'une fraction de la population en exploite une
autre. Il ne sera plus possible de réaliser des bénéfices sur le travail
d'autrui et d'augmenter l'épargne individuelle au-delà des besoins, car cela
se ferait aux dépens des autres, et deviendrait de l'exploitation.
Le travail salarié, outre qu'il asservit l'homme,
lui enlève aussi toute motivation, car le producteur y est un homme "en
location" et non un associé.
L'homme travaillant pour son propre compte est
autrement plus dévoué dans sa tâche productive, car il est motivé par le
fait qu'il compte sur son propre travail pour la satisfaction de ses besoins
naturels.
L'homme qui travaille dans une entreprise socialiste
en y étant associé est également plus motivé, car une part de la production
lui revient pour assurer ses besoins.
Le salarié, quant à lui, est dépourvu de telles
motivations. De ce fait, le salariat se trouve dans l'impuissance de résoudre
le problème de l'accroissement et du développement de la production. Celle-ci
repose en effet sur les épaules du salarié et se trouve exposée à une perpétuelle
détérioration, au niveau des produits, ou celui des services.
Quelques
exemples illustrant les cas d'un travail salarié pour le compte de la société,
d'un travail salarié pour le compte d'un intérêt privé, et celui du travail
non salarié :
1) Premier
exemple:
a) Le cas d'un travailleur qui produit 10 pommes pour
le compte de la société qui lui octroie une pomme en contrepartie de sa
production. Cette pomme satisfaisant complètement ses besoins.
b) Un travailleur produit 10 pommes pour le compte de
la société qui lui octroie une pomme en contrepartie de sa production. Cette
pomme ne satisfaisant pas les besoins de ce travailleur.
2) Deuxième
exemple:
Le travailleur produit 10 pommes pour le compte d'un
individu et ne perçoit en échange qu'un salaire équivalent à moins du prix
d'une seule pomme.
3) Troisième
exemple:
Un travailleur produit 10 pommes pour son propre
compte. Il résulte de ces exemples :
- Dans le cas a) du premier exemple: le travailleur
n'augmentera pas sa production, car quoi qu'il fasse pour l'augmenter il
n'obtiendra qu'une pomme pour la satisfaction de ses besoins. C'est pourquoi les
forces laborieuses travaillant pour le compte de la société sont
automatiquement et continuellement moroses.
- Dans le cas b) du premier exemple: le travailleur
n'est pas motivé par la production, parce qu'elle se fait au profit de la société,
sans qu'il obtienne en contrepartie ce qui est nécessaire à la satisfaction
complète de ses besoins. S'il continue à travailler, c'est parce qu'il est
contraint de se soumettre aux conditions générales du travail qui prévalent
dans la société.
- Dans le deuxième exemple : le travailleur ne
se soucie pas de la productivité et se contente de travailler pour un salaire
qui ne satisfait pas entièrement ses besoins. Dans ce cas, ou bien il se met à
la recherche d'un autre patron pour lui vendre sa force de travail à un
meilleur prix, ou bien il est contraint de poursuivre son travail pour
subsister.
- Le troisième exemple quant à lui constitue le
seul cas où le travailleur produit sans contrainte et sans morosité. La société
socialiste ne permet pas une production supérieure à la satisfaction des
besoins de l'individu qui l'effectue, ni que cette production se fasse par
l'intermédiaire ou sur le dos d'autrui. Les entreprises socialistes oeuvrent
pour la satisfaction des besoins de la société. De ce fait, le troisième
exemple illustre la situation la plus saine de production économique, puisque
dans tous les cas, y compris les pires, cette production se poursuivra pour la
subsistance.
Il n'est qu'à citer pour preuve le fait que la
production dans les pays capitalistes se trouve concentrée et accumulée entre
les mains d'une minorité de possédants oisifs qui exploitent les prolétaires
à produire pour survivre.
Cependant, le « Livre Vert » ne résout
pas les seuls problèmes de production matérielle, mais aspire à frayer le
chemin vers une solution globale des problèmes de la société humaine, afin
d'assurer la libération matérielle et morale de l'individu, ainsi que son
bonheur.
Autres exemples
:
Supposons que la richesse d'une Société soit de 10
unités et que sa population soit également de 10 unités: la part de chacun
sera de 1/10e, soit une unité. Lorsqu'un membre de cette population détient
plus d'une unité, c'est au détriment d'un autre qui, lui, ne disposera de
rien. C'est ce qui explique qu'il y ait des riches et des pauvres dans les sociétés
d'exploitation.
Si cinq membres de cette population possèdent chacun
deux unités de la richesse, cela signifierait que les cinq autres membres de
cette même population ne possèdent aucune partie de la richesse commune et
que, par conséquent, la moitié de la population est privée de son droit.
L'unité supplémentaire détenue par chacun des premiers devant revenir en fait
aux cinq autres.
Par ailleurs, si la satisfaction des besoins d'un
individu dans cette société ne nécessite qu'une unité de la richesse, celui
qui détiendrait plus d'une unité usurperait, de ce fait, le droit des autres
membres de la société. Il s'agirait là d'une thésaurisation qui se fait aux
dépens des besoins d'autrui. C'est ce qui explique d'une part l'existence
d'accapareurs de richesses et, d'autre part, de démunis qui recherchent une
part de la richesse et qui n'obtiennent rien. Il s'agit là, de toute évidence,
de vol et de pillage sous couvert d'une législation injuste d'exploitation, en
vigueur dans ce type de sociétés.
La richesse qui reste disponible une fois les besoins
satisfaits devrait, au contraire, revenir à tous les membres de la société.
Quant à l'épargne, les individus peuvent la faire en prélevant sur leurs
seuls besoins, sinon cela aboutirait à une atteinte aux droits de la
collectivité sur sa richesse.
Le fait d'être entreprenant et d'avoir un
savoir-faire n'autorise pas pour autant la mainmise sur des parts d'autrui.
Cependant, l'homme entreprenant peut tirer profit de
ses qualités pour la satisfaction de ses besoins propres et pour l'épargne
effectuée sur ces mêmes besoins.
De même les handicapés et les déficients mentaux
ont eux aussi droit à la même part de la richesse que les autres membres de la
société. La richesse de la société est comparable à un organisme
d'approvisionnement ou à un entrepôt qui fournit quotidiennement aux hommes de
quoi suffire à leurs besoins. Ceci étant, l'homme est libre soit de consommer
la totalité de sa part, soit d'économiser sur celle-ci en utilisant ses compétences
et son savoir-faire pour se constituer une épargne.
Par contre, utiliser ce savoir-faire pour prélever
plus que sa part sur le "stock d'approvisionnement" collectif est indéniablement
un vol caractérisé effectué aux dépens de la Société ainsi qu'une atteinte
à l'intérêt général.
Dans la nouvelle société socialiste, les inégalités
dans la détention de richesses ne sont pas tolérables.
Dans le cas des personnes travaillant dans un service
public, la société leur octroie une part équivalente à leurs services, prélevée
sur la richesse nationale. Cette part varie en fonction des services rendus par
chacun d'eux.
C'est là une nouvelle expérience qui vient
couronner de magnifiques expériences historiques de la société humaine, et
qui parachève la lutte de l'homme pour sa liberté et son bonheur, la
satisfaction de ses besoins et le rejet de l'exploitation. Elle met définitivement
un terme au despotisme par une répartition équitable de la richesse de la société
dans un monde où chacun travaillera pour la satisfaction de ses propres
besoins, sans faire travailler quelqu'un d'autre pour soi, et sans être lui-même
employé par un autre. C'est là une théorie de la libération des besoins pour
la libération de l'homme.
La société socialiste nouvelle n'est autre qu'une
conséquence dialectique découlant des rapports d'injustice existant dans le
monde. Elle donne naissance à une solution naturelle qui est, d'une part, la
propriété privée destinée à satisfaire les besoins de l'homme sans utiliser
d'autres hommes, et d'autre part, la propriété socialiste au sein de laquelle
les producteurs sont associés à la production et à son partage, remplaçant
ainsi la propriété privée dont la production n'appartient pas aux salariés.
Celui qui possède la maison que vous habitez, la
voiture dans laquelle vous vous déplacez et qui assure votre salaire pour votre
subsistance, s'approprie en fait votre liberté, ou du moins une partie de
celle-ci. Or, la liberté est indivisible.
Pour assurer son bonheur, l'homme doit être libre et
il ne peut l'être qu'en étant maître de ses besoins. Celui qui est maître des besoins d'un autre lui
dicte sa loi, l'exploite et pourrait le réduire à l'esclavage et ce, en dépit
de la législation qui pourrait lui interdire.
Les besoins incompressibles et indispensables à la
vie, du vêtement à la nourriture, de la voiture au logement doivent être protégés
et en aucun cas appartenir à un tiers, ils constituent une propriété privée
et sacrée. Une location d'appartement permettrait à un propriétaire de
s'immiscer dans votre vie privée et de s'octroyer des revenus supplémentaires
et cela même lorsque ce propriétaire est la collectivité.
Le propriétaire dispose alors de votre liberté et
vous privera de votre bonheur. C'est comme si vous louiez un habit dont le
propriétaire est susceptible un jour de vous l'ôter en pleine rue et vous
laisser nu. De même le propriétaire du véhicule que vous
conduisez pourrait intervenir et vous abandonner sur le bord de la route. Enfin, le propriétaire du logement que vous habitez,
a la possibilité de faire de vous un sans-abri.
Il serait ridicule de prétendre résoudre les problèmes
découlant des besoins de l'homme par des mesures juridiques, administratives ou
autres. C'est sur ces besoins essentiels que la société,
conformément à des lois naturelles, s'édifie et prend racine.
Le but de la société socialiste est dans le bonheur
de l'homme qui ne peut se réaliser qu'une fois sa liberté matérielle et
morale acquise. La concrétisation de cette liberté dépend de la libre
disposition par l'homme de ses besoins solennellement consacrés.
Cela signifie que vos besoins ne devraient être en
aucun cas la propriété d'un autre ni susceptibles de vous être subtilisés
par une quelconque partie de la société. Autrement, vous vivrez dans l'inquiétude,
ce qui vous priverait de votre bonheur et ferait de vous un homme sans liberté,
parce que vivant sous la menace d'éventuelles interventions extérieures visant
vos besoins essentiels.
Du fait des thèses économiques contradictoires qui
s'affrontent actuellement dans le monde et en raison des rapports d'injustice découlant
du salariat, restés à ce jour sans solution, le renversement des sociétés
contemporaines fondées sur le salariat apparaît comme étant inéluctable,
tout comme l'instauration de sociétés d'associés. La puissance des syndicats
de travailleurs dans le monde capitaliste est apte à changer les sociétés
capitalistes, de sociétés de salariat en sociétés d'associés.
L'éventualité de l'avènement de la révolution
pour la réalisation du socialisme commence par la récupération par les
producteurs de la part qui leur revient de leur production. L'objet des grèves ouvrières ne sera plus la
revendication d'augmentation des salaires, mais pour l'association dans la
production. Cela se fera, tôt ou tard. Le « Livre Vert » ouvre la
voie.
L'étape finale sera atteinte lorsque la société
socialiste nouvelle parviendra au stade de la disparition du profit et de la
monnaie. Cela se fera par la transformation de la société en une société
entièrement productive et lorsque la production atteindra le stade de la pleine
satisfaction des besoins matériels des membres de la société. A cette étape
finale, le produit disparaîtra de lui-même et on se passera de la monnaie.
Admettre le profit équivaut à admettre
l'exploitation. Car à partir du moment où on l'admet, rien ne peut plus le
limiter. Les mesures tendant à limiter, par les divers
moyens, le profit, sont des tentatives réformistes et non radicales, et sont
inaptes à empêcher l'exploitation de l'homme par l'homme.
La solution finale est dans l'abolition du profit. Néanmoins,
le profit étant le moteur du processus économique, il ne peut être aboli par
décret mais plutôt par l'évolution même de la production socialiste, c'est-à-dire
une fois satisfaits les besoins matériels de la société et des individus.
C'est donc par cette recherche de plus de profits qu'on aboutira à la
disparition finale du profit.
Les
domestiques, qu'ils soient salariés ou non, représentent encore aujourd'hui un
des types de l'esclavage. Ce sont même les esclaves des temps modernes.
La nouvelle société socialiste étant fondée sur
l'association dans la production, et non sur le salariat, la loi socialiste
naturelle ne peut s'appliquer aux domestiques qui ne produisent pas et ne
fournissent que des services. En effet, les services ne sont pas générateurs
de biens matériels. C'est pourquoi cette catégorie de personnel a dû
travailler dans de mauvaises conditions moyennant un salaire ou toute autre
forme de rémunération. Ainsi, les domestiques situés au bas de l'échelle
socio-économique parmi les salariés, méritent d'être libérés en priorité
de la société du salariat, société d'esclaves.
La troisième théorie universelle annonce la libération
définitive des masses du joug de l'injustice, du despotisme, de l'exploitation
et de la domination politique et économique, et l'avènement de la société de
tous les hommes. Chacun y sera libre. Tous seront égaux dans la détention du
pouvoir de la richesse, et des armes, pour que la liberté triomphe totalement
et définitivement.
Le « Livre Vert » trace la voie de l'émancipation
des masses, salariés ou domestiques, et ainsi se réalisera la liberté de
l'homme.
Pour les domestiques, il est indispensable de lutter
pour les libérer de leur situation d'asservissement en les intégrant dans la
production où ils deviendront des associés et bénéficieront de parts selon
leur travail.
Les habitants d'une maison assureront eux-mêmes leur
ménage. En cas de nécessité, on n'aura plus recours à des domestiques salariés
ou non, mais à des fonctionnaires assurant les tâches de ménage et qui bénéficieront
de l'avancement dans leurs fonctions et jouiront des garanties sociales et matérielles
comme tout fonctionnaire.
Pour lire le Livre Vert :
Le Livre Vert : Les Fondements Sociaux (partie 3)